Pour sa 14e édition, la conférence TechnoArk , animée par Laurent Haug, a choisi d’aborder les liens entre le monde du travail et les nouvelles technologies de l’information et la communication.
Dans cet article, j’aimerais mettre en avant certains passages de la présentation d’Arnaud Grobet, associé chez EMAKINA, un groupe européen d’agences de communication. Comme il l’indique, il a fondé une des premières agences web à Genève qu’il a vendu avant les années 2000, avec alors 120 personnes. Son exposé était intitulé “Impact de l’intelligence artificielle sur nos métiers et le marché de l’emploi” dans le programme de la conférence mais le titre sur son 1er slide est plus global: “L’intelligence artificielle au service d’une humanité durable”. Il participe au développement de la fondation ImpactIA, un think tank qui réfléchit aux enjeux et défis de l’intelligence artificielle sur le futur du travail. Klewel a enregistré pour vous tous les exposés de la conférence Technoark, ils sont disponibles en webcast gratuitement à la demande et sur tous les supports.
Attention au fantasme de l’intelligence artificielle
Slide 8 – En préambule de son exposé, Arnaud Grobet a estimé important de rappeler qu’on entend tout et n’importe sur l’intelligence artificielle. On a tendance ces derniers temps à beaucoup parler dans les médias d’intelligence artificielle, à toutes les sauces. Selon lui, “beaucoup de bullshit, beaucoup d’inquiétudes sont véhiculées par les médias, par l’imaginaire, par exemple concernant la perte d’emplois”.
C’est également le point de vue d’Hervé Bourlard, directeur de l’institut de recherche Idiap et Professeur à l’EPFL, dans son exposé lors d’une autre conférence sur l’IA, n’hésitant pas à parler même de propagande autour de l’intelligence artificielle – à revoir également en webcast: Intelligence artificielle: entre réalité et fiction, entre recherche et propagande.
Il faut donc savoir prendre avec des pincettes l’impact de l’intelligence artificielle. D’un certain côté oui la machine peut être très rapide et efficace pour certaines tâches bien précises (jeu d’échec, recherche dans une grande base de données etc). De l’autre, attention au fantasme de “super-human performance”, on en est encore très loin.
Evolution de l’internet: de l’ouverture dans les années 2000 à une balkanisation de l’information
Slide 5 – Arnaud Grobet relate, également dès le début de son exposé, un bref historique de l’évolution d’internet. Au départ, ce monde de l’internet, c’était une ouverture vers plus d’informations, l’accroissement du champs de vision, toutes ces valeurs qui étaient formidables. Ensuite il y a eu les réseaux sociaux: l’économie du partage, puis les algorithmes, l’accélération de la puissance de calcul. Plus de puissance de calcul donc, associé à plus de données d’entrainement pour les algorithmes, comme le souligne également Hervé Bourlard dans son slide 14 de l’exposé mentionné plus haut.
Enfin, nous sommes entrain de vivre actuellement d’une certaine manière une réduction du champs de vision. On parle de balkanisation de l’information aujourd’hui. On vous montre ce que vous croyez déjà, ce que vous aimez déjà. De ce monde qui s’ouvrait, ça s’est refermé. Certains usages de l’intelligence artificielle, ça sert (hélas) à ça. On pense alors à facebook et le scandale Cambridge Analytica. Tout ceci n’a fait aussi qu’accélérer et concentrer des pouvoirs dans peu de mains. On pense encore une fois à facebook et au pouvoir des Gafa.
L’intelligence artificielle doit-elle accentuer les déséquilibres qu’on vit déjà aujourd’hui?
Slide 9 – l’orateur insiste sur la concentration des pouvoirs qui est actuellement dans peu de mains. 82% de la richesse créée en 2017 a été absorbée par 1% de la population mondiale, selon Oxfam. Une question fondamentale selon Arnaud Grobet: L’IA doit nous pousser à réfléchir au rôle réel de l’humain dans la société.
Une IA au service d’une humanité durable. Il participe au développement de la fondation ImpactIA, un think tank qui réfléchit aux enjeux et défis de l’intelligence artificielle sur le futur du travail. Pour voir les choses de manière plus positives et faire en sorte que l’humain reste au centre de notre écosystème, la planète Terre.
De quels déséquilibres parle-t-on? La concentration des pouvoirs, des richesses, les déséquilibres écologiques.
Réfléchir à ce que peut amener de positif l’IA dans la société
Arnaud Grobet et la fondation ImpactIA ont choisi de regarder le verre à moitié plein, tout en étant conscient des dangers et potentiels dérives de l’IA. Ils ont choisi 4 pistes: Formation et Compétences; Entreprises & Innovation; Ethique & Droit; Technologie IA devenue une “question de genre”. C’est également la vision de la fondation Dalle Molle dont le solgan est “Le progrès scientifique en général et les progrès réalisés dans l’informatique en particulier ne doit pas asservir l’homme mais au contraire être à son service“.
slide 19: Remise en question de la formation et du savoir en général: est-ce que les formations actuelles correspondent au job de demain? Il y a beaucoup de silos dans la manière d’enseigner les matières. Le rôle des enseignants. L’architecture des bâtiments d’écoles correspond à l’ancien monde. Qu’est que l’IA peut apporter? on peut mieux identifier des vocations, on opurrait faire des diagnostiques d’orientations, ça pourrait une aide aux enseignants, utilisation dans des processus de validation et certification. On peut élargir les compétences qui sont déjà là. Va-t-on vers un enseignement totalement personnalisé.
slide 21: Dans le monde de l’entreprise: Comment ces intelligences peuvent nous aider à gagner du temps de cerveau? Tendance actuelle de faire toujours plus avec mois, phénomène du stress qui augmente dans le monde du travail, encore plus qu’on explique aux gens qu’on n’a plus besoin de leurs compétences. En gagnant du temps de cerveau, on pourrait en profiter pour faire les choses mieux plutôt que de se dire on fait juste plus d’argent. Selon Arnaud Grobet, le travail devrait s’orienter vers une activité bénéfique partagée, vers plus d’équité. ça amène des questions de droits. À qui appartient le savoir, les données? L’IA doit elle restreindre des libertés ou en donner plus?
L’éthique n’allant pas toujours de paire avec le droit, Arnaud Grobet a décidé de rebaptiser des concepts pour voir les choses sous un angle positif.
Plutôt que de parler de travail rémunéré: il parle d’activités bénéfiques comme les associations avec bénévoles qui font un bien fou à l’humanité mais qui ne sont pas rémunérés. C’est un changement d’état d’esprit par rapport à la notion même du travail. Quelques questions clés: qui décide et comment? quelle posture face aux machines? comment s’assurer de nos libertés? à qui appartient le savoir? La machine est soumise à la personne ou bien la personne à la machine?
Slide 33 – Selon Arnaud Grobet, il est encore temps de nous poser les vraies questions: qu’est ce qu’on fait de cette IA? et d’ailleurs pourquoi les IA devraient-elles nous ressembler?
Vers un changement de modèle?
slide 34 – Selon Arnaud Grobet, tant que la vision d’une entreprise est de faire plus d’argent (sans prendre en compte le développement durable, l’écologie, l’équité, la satisfaction de chacun au travail) ça va être difficile de changer les choses. Il souhaite donc voir un changement de modèle.
Il note, selon une conversation avec Boi Faltings Professeur au laboratoire d’IA à l’EPFL, qu’il y a peu de domaines où il y a de l’argent pour l’Intelligence artificielle. Il n’y a pas d’argent dans tous les domaines pour l’IA. Il y a une concentration de 3 domaines où il y a de l’argent: le marketing pour faire vendre des produits, aussi dans le secteur médical, et le secteur militaire.
Un exemple d’un nouveau modèle d’entreprise face aux objectifs uniquement financiers a été présenté lors de cette journée de conférence.
Le désormais ex-CEO de la société Loyco, Christophe Barman , a mis en place un système de gouvernement partagé, la « Loycocratie ». Un concept inspiré de l’holacratie, cette approche du management agile et participatif. Participation des collaborateurs à l’actionnariat, organisation des tâches en rôles et non plus en fonctions, culture d’entreprise ouverte et participative: le concept a tout pour séduire les millenials dont il a beaucoup été question durant la conférence. La jeune entreprise genevoise certifiée B Corp a choisi pour guider son action, à côté des traditionnels critères financiers, de nouveaux indices de performance qui incluent également la performance sociale et environnementale.
Nous essaierons prochainement de mettre en avant quelques autres exposés sur ce thème d’actualité. Toutes les présentations sont disponibles en webcast ainsi que celles des années précédentes: Conférence Technoark 2017 sur la blockchain, 2016 sur la transition eEnergy, 2015 sur le wearable computing.
J’espère que cet article vous donnera envie de visualiser ces exposés souvent denses et riches en partage d’expériences.
Liens:
- Page officielle de la conférence Technoark 2018 avec les photos sur Flickr et quelques interviews vidéo des orateurs en plus, dont celle d’Arnaud Grobet.
- compte rendu blog TheArk, compte rendu SATW par Alexandre Luyet
- Les tweets durant la journée par les participants
- Le reportage de la TV locale Canal9
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